Le jour d’après…et si la raison d’être ne servait à rien ?

Encouragée par le cadre proposé par la Loi Pacte et fière de participer à la réinvention de l’entreprise, la société Badasse s’est lancée : elle a défini sa raison d’être !

Après des mois d’intense introspection, concertation, exploration et réflexion, le jour J est enfin arrivé : la raison d’être est là, solide, singulière, ambitieuse, aspirationnelle, donnant à la fois du sens aux collaborateurs, aux clients et à l’ensemble des parties prenantes.

Mais lorsque le webinar de présentation à tous les salariés prend fin, l’assemblée des participants est traversée d’un frémissement. Chacun regarde son collègue sur l’écran Teams avec stupeur : Et si demain, rien n’avait changé ? Et si tout ça n’avait servi à rien ?

Le jour d’après a pour l’équipe projet un goût de lendemain du grand Soir. Grâce au travail accompli, l’entreprise Badasse va pouvoir mettre à jour son site internet, crier au monde son ADN profond et ses engagements pour contribuer à répondre aux enjeux majeurs du 21ème siècle et inscrire sa Raison d’être dans ses statuts.

Mais passée cette période grisante, qu’est-ce que cela change ? Comment la raison d’être va-t-elle pouvoir devenir une raison d’agir pour tous ?

« Le jour d’après » – 5 champs de questionnement pour activer le potentiel de la raison d‘être

Si dans la définition de leur raison d’être, les entreprises sont incitées à l’assortir de principes ou d’engagements pour définir un cadre partagé d’alignement et d’action[1], la raison d’être, Objet Stratégique et Managérial Non Identifié est un instrument « en puissance ». Elle recèle un potentiel à la fois mobilisateur, stratégique et opérationnel à activer.

Pour dessiner le chemin de « l’après », forcément propre à chaque organisation et fonction de ses enjeux et priorités, 5 grandes questions sont à explorer.

Faire de la raison d’être l’affaire de chacun et de tous ?

En replaçant le sens au cœur de l’organisation, la raison d’être a vocation à devenir le repère et même le réflexe des équipes et de chacun, en comportements et en pratiques, au quotidien.

Pour passer des mots aux actes, c’est un réflexe de questionnement qu’il s’agit de générer et d’ancrer chez les collaborateurs. Ce questionnement, les différentes équipes de la société Badasse ont commencé à l’explorer en réfléchissant collectivement à des principes d’action par métier leur permettant d’interroger leurs pratiques au quotidien. Différents temps forts managériaux ont permis de prolonger l’exercice autour de plusieurs questions visant à tirer le fil entre raison d’être et quotidien : « Quel écho la raison d’être rencontre-t-elle dans mon quotidien ? Quels sont mes pratiques et mes gestes métiers qui la mettent en action ? Quelles situations vécues sont incohérentes avec elle ? Quelles sont les implications managériales de cette raison d’être ? ».

Faire de la raison d’être la boussole stratégique de l’organisation ?

Au-delà du sens qu’elle donne, c’est à un niveau stratégique que la raison d’être peut également révéler son plein potentiel. Clé de voute de la vision stratégique, elle peut donner souffle et cohérence au projet de l’entreprise. Par ailleurs, en devenant un prisme de lecture systématique pour la prise de décision, elle permet de questionner la cohérence de la projection stratégique et de son exécution avec l’identité et la vocation de l’organisation. Elle incite à porter un regard neuf sur l’activité et à identifier des perspectives d’innovation, des opportunités à explorer.

C’est à cet exercice de relecture stratégique que le Comité Exécutif de la société Badasse va s’atteler le jour d’après, en entamant le processus de révision de son plan stratégique. Au regard de sa raison d’être, quels sont les champs à surinvestir, les champs sur lesquels concentrer les efforts ? Quelles sont les orientations stratégiques incohérentes ou dissonantes auxquels il faut renoncer ? Au terme de de cette réflexion, le Comité Exécutif prévoit de formuler un nouveau projet d’entreprise, dont elle est convaincue qu’il sera plus puissant et ambitieux que le précédent.

Vers un enrichissement et une ouverture de la gouvernance ?

La raison d’être, projetant l’organisation sur le long-terme et inscrivant résolument son activité comme contributrice au bien commun, ouvre la voie à l’enrichissement des modes de gouvernance. Comment envisager dès lors une gouvernance qui préserve l’« intérêt social » (cf. art. 1833 du Code Civil), entende la voix des parties prenantes, conserve une focale long-terme pour contrebalancer les intérêts court-termistes de performance ?

Plusieurs niveaux d’enrichissement possibles sont à explorer. La raison d’être vient positionner les dirigeants et le Conseil d’Administration (ou le Conseil de Surveillance) comme garants de la trajectoire et des intérêts à long-terme de l’entreprise. Pour accompagner cette évolution du rôle des dirigeants, un pilotage et une organisation spécifiques sont à définir pour assurer la bonne irrigation de la raison d‘être et porter régulièrement sa mise en action au cœur des discussions des dirigeants.

Disposée à s’accorder une période d’expérimentation, la société Badasse a commencé par se doter d’un Chief Purpose Officer dont l’une des premières missions est de constituer, former et animer un réseau d’ambassadeurs de la raison d’être.

Quelle place pour les parties prenantes externes ?

Dès lors que l’entreprise exprime le rôle singulier qu’elle compte jouer dans la société, il est légitime, en miroir, que des parties prenantes externes puissent éclairer et peser dans les orientations prises.

Autre niveau possible d’enrichissement de la gouvernance donc : son ouverture vers les parties prenantes, incontournable de la qualité de Société à Mission avec son comité de mission.

Si, pour l’instant, la société Badasse n’a pas choisi d’adopter la qualité de Société à Mission, elle envisage de mettre en place un comité de parties prenantes afin d’éclairer ses orientations stratégiques à la lueur de sa raison d’être. Quelle composition pertinente au regard des engagements pris ? Quelle articulation avec le Comité Exécutif et le Conseil d’Administration ? Autant de questions auxquelles elle se doit de répondre. [2]

Quel rôle pour la communication ?

Si la Raison d’Être ne doit pas se résumer à un slogan, elle devient cependant un puissant objet puissant et engageant de communication, qu’il convient donc de soigner pour éviter l’écueil du « Purpose Wahsing ». Au-delà de l’annonce première, il s’agira notamment de veiller dans la durée à la crédibilité de la raison d’être en communiquant par la preuve, en rendant compte des avancées et du chemin accompli.

« Le jour d’après », la raison d’être ne change rien et change tout à la fois

Le jour d’après la raison d’être est une boussole en puissance. C’est dans le temps long, nécessaire à l’appropriation par l’ensemble des parties prenantes internes et externes, qu’elle deviendra une boussole en actes partagée.

Pour explorer plus avant ces champs de questionnements du jour d’après, retrouvez les témoignages d’organisation ayant initié ce chemin dans leurs organisations lors de notre série de webinaires « Raison d’Être – Le jour d’Après ».

[1] https://www.blog.balthazar.org/post/sans-engagements-pour-la-faire-vivre-une-raison-d-%C3%AAtre-n-est-qu-une-fiction

[2]https://www.entreprisesamission.com/wp-content/uploads/2021/03/GT4_CEM_Le-comite-de-mission-une-nouvelle-gouvernance-pour-stimuler-linnovation-des-societes-a-mission-compresse.pdf

Claire Vachez et Miles Frydman de Balthazar

Auréline Moye et Julie Abbo de Nuova Vista

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