La Tribune
Par Collectif d’entrepreneurs (*) | 19/06/2018
50 dirigeants et groupements d’entreprises (*) appellent le gouvernement à aller plus loin.
Si l’un des principaux objectifs affichés par le projet de loi PACTE, présenté le 18 juin dernier en conseil des ministres, est de « réparer le capitalisme » et de rétablir la confiance entre les Français et leurs entreprises, nous appelons le gouvernement à aller jusqu’au bout des recommandations du rapport Notat-Sénard en instaurant dans la loi un cadre juridique optionnel pour l’entreprise à mission, allant au-delà de la simple reconnaissance de la « raison d’être ».
Longtemps considérées comme contribuant au problème, nombre d’entreprises souhaitent aujourd’hui faire partie de la solution. Ces défis écologiques, sociaux, scientifiques, de plus en plus d’entrepreneurs ambitionnent de les relever à travers l’entreprise.
Le projet de loi PACTE permet à toute entreprise de se doter d’une raison d’être. C’est un grand pas ! Mais il doit aller plus loin. La notion de raison d’être, évidence stratégique incontestable, ne se suffit pas à elle-même, sous peine de tomber dans un « mission-washing » qui décrédibiliserait l’entreprise et, par ricochet, tous ceux qui s’attèlent à l’exercice. La raison d’être ne prend son sens que par les engagements, les actes et les résultats qui en découlent.
Comme les 68% des dirigeants qui souhaitent la mise en place d’un cadre juridique dédié aux entreprises à mission[1], nous pensons qu’il y a là une opportunité historique d’ouvrir la voie à de nouvelles formes d’entreprises qui pourraient bien dessiner les contours d’un capitalisme du XXIe siècle plaçant l’intérêt des humains et de la planète au cœur de ses finalités, intégrant de nouveaux modes de partage de la valeur créée. Pour cela, la loi doit dire ce qui ressort de la compétence et de la responsabilité des actionnaires de l’entreprise à mission, quatre conditions clairement exprimées par le rapport Notat-Sénard :
- Inscription dans les statuts d’une raison d’être, librement définie, dotée d’un impact social, sociétal ou environnemental positif. Avec des actionnaires engagés, le dirigeant dispose d’un espace d’action pour réaliser la mission. Les conditions de réalisation de la RSE s’en trouvent renforcés ;
- Intégration des enjeux de la mission au sein de la stratégie et de la gouvernance de l’entreprise, soit au sein de l’organe de contrôle principal soit par la création d’un comité ad hoc ;
- Evaluation de la mise en œuvre de la raison d’être par un tiers indépendant et reddition publique par les organes de gouvernance. La raison d’être devient mission lorsqu’elle est traduite dans les engagements, si possible chiffrés, à tout le moins objectivés ;
- Accompagnement de cet acte de transparence, condition de la crédibilité de la mission, par la publication d’une déclaration de performance extra-financière complète pour les entreprises.
Les entreprises à mission souhaitent donner un sens clair et crédible à leur activité. Sans renoncer aucunement au profit, indispensable à leur pérennité, ces entreprises considèrent leur mission comme stratégique : engager ses salariés, innover dans l’offre, attirer de nouveaux talents, de nouveaux clients, consolider un lien fort avec sa chaîne d’approvisionnement et ses territoires. Raison pour laquelle les entreprises à mission ne recherchent aucun avantage fiscal ou financier.
Les Etats-Unis, pays de Soft Law par excellence, ont donné un cadre légal à ces nouvelles formes d’entreprises (Benefit Corporation, Social Purpose Corporation…), l’Italie l’a fait avec la Società Benefit créée en 2015. Sans instaurer un régime juridique spécifique, la loi PACTE peut donner cette impulsion en France et apporter aux entreprises à mission la légitimité indispensable à leur déploiement.
Nous sommes à ce moment historique, où un très grand nombre d’entreprises, de toute taille, de tout secteur d’activité, de toutes formes juridiques s’unissent pour le dire haut et fort : la loi doit aider les entreprises à placer au cœur de leur projet la résolution des enjeux de société, sociaux et environnementaux.
(*) Signataires (en cours)
La Communauté des Entreprises à Mission, avec notamment : Emery Jacquillat (Camif), Laurence Méhaignerie (Citizen Capital), Anne-France Bonnet (Nuova Vista), Pascal Demurger (MAIF), Philippe-Loïc Jacob (Citeo), Pierre Dubuc (OpenClassrooms), Arnaud Burgot et Alexandre Boucherot (Ulule), Isabelle Lescanne (Nutriset ), Axel Dauchez (Make.org), Anh Nguyen (Medincell), Gildas Bonnel (Sidiese), Carlos Verkaeren (Agathos Equity), Laurence Grandcolas (MySézame), Jean-Michel Severino (Investisseurs & Partenaires), Jean Moreau (Phénix), Guillaume Desnoës (Alenvi), Abdessamad Idzina (Talo Eco), Chrystèle Gimaret (Artupox), Géraldine Hatchuel (Choregraphy), Pierre-Emmanuel Grange (microDON), Olivier Guilbaud (Science & Nature), Anita De Voisins (Investir&+), Pauline d’Orgeval (Deuxièmeavis.fr), Anne Mollet (Perl), Elisabeth Laville (Utopies), Geneviève Férone et Virginie Seghers (Prophil), Jacques Huybrechts (Entrepreneurs d’Avenir), Errol Cohen (Le Play)…
Et aussi : Marcello Palazzi (B Lab Europe, Global Ambassador BCorp), Denis Terrien (Entreprise et Progrès), Clara Gaymard et Gonzague de Blignières (Mouvement pour une Economie Bienveillante, cofondateurs de RAISE), Blandine Mulliez (Fondation Entreprendre), Patrick d’Humières (Académie Durable), France Eco Sociale Tech, Caroline Jolly (Groupe Eram), Régis Lebrun (Fleury Michon), Christian Nouel (Fondation Croissance Responsable), Didier Martin (Gide), Arnaud Gangloff (Kea & Partners), Rodolphe Durand (HEC Paris-Centre SnO), Cyril Garnier (SNCF Développement), Christine Kolb et Frédéric Ponchon (Sycomore AM) Isabelle Mashola (Isahit), Arnaud Gangloff (KEA & PARTNERS), Alexis Sarrut (France Eco-Sociale Tech – FEST) …
[1] Etude nationale Prophil (ViaVoice-HEC, février 2018)
Article original : https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/pour-la-reconnaissance-de-l-entreprise-a-mission-dans-la-loi-pacte-782346.html